Le Canada et l’UE soutiennent l’organisation de la COP22

Le 11 octobre 2016, à Rabat, deux accords de financement ont été signés au profit du gouvernement du Maroc pour accompagner l’organisation de la 22e Conférence des Parties (COP22) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui se tient à Marrakech du 7 au 18 novembre. Le gouvernement du Canada contribue ainsi avec un don d’1,4 million de dollars canadiens et l’Union européenne avec une enveloppe de 2 millions d’euros.

Le premier accord a été signé entre le gouvernement du Canada et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). L’ambassadrice du Canada au Maroc, Nathalie Dubé, le représentant du PNUD au Maroc, Philippe Poinsot, et le commissaire de la COP22, Abdelâdim Lhafi, ont présidé la cérémonie de signature qui s’est tenue au siège de la COP22. Ce dernier a vivement remercié le gouvernement du Canada pour sa généreuse contribution et son accompagnement pour faire de la COP à Marrakech un succès.

« Avec cette contribution, le Canada concrétise ainsi son engagement à collaborer avec ses partenaires internationaux pour mettre en œuvre l’Accord de Paris. Nous espérons que cette contribution contribuera au bon déroulement de la COP 22, à la mobilisation de toutes les parties prenantes et à ce que la parole des femmes et des plus démunis soit entendue », a déclaré l’ambassadrice Nathalie Dubé.

Le deuxième accord a été signé entre l’Union européenne et le PNUD. Rupert Joy, chef de la délégation de l’Union européenne, Philippe Poinsot, Abdelâdim Lhafi et l’ambassadeur de France au Maroc, Jean-François Girault, étaient présents pour la cérémonie de signature, à la résidence de l’Union européenne, à Rabat.

Ces contributions sont gérées par un fonds commun mis en place par le PNUD pour soutenir l’organisation logistique de la COP22, favoriser la mobilisation de la société civile, préparer les side-events et communiquer sur les activités liées à la COP22.

« Le fonds commun mis en place par le PNUD agit comme un réceptacle qui permet de fédérer un certain nombre de contributions de la part de plusieurs partenaires qui souhaitent accompagner un projet commun, la COP22. Plusieurs partenaires, s’ils le souhaitent, peuvent appuyer les efforts du gouvernement pour la COP22 en faisant une contribution à ce fonds », a déclaré Philippe Poinsot, représentant du PNUD au Maroc.

Publié sur COP22

Tribune : Miguel Arias Cañete et le climat, le fiasco prévisible

par Michel Sourrouille

Le 18/05/15

L’objectif des Vingt-Huit de réduire d’au moins 40 % leurs émissions d’ici à 2030 n’est qu’un effet d’annonce. Pour en juger, il suffit de lire les réponses au MONDE* de Miguel Arias Cañete, commissaire européen à l’action climatique et à l’énergie.

Pourquoi l’Europe s’est-elle orientée vers un marché du carbone et non vers une taxe carbone ?

Miguel Arias Cañete : Nous avons mis en place un marché du carbone pour lancer un signal aux entreprises. Si ce signal est puissant, il sera plus facile d’avancer vers la décarbonisation. Des pays comme la Chine ou les Etats-Unis ont eux aussi leur marché carbone, mais notre modèle est le plus organisé au monde, avec son mécanisme de droits d’émission diminuant année après année.

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Compte à rebours du Climat. En direct de Lima. Les négociateurs en panne, les ONG impuissantes : face à la caravane populaire du climat

Par Claude-Marie Vadrot

(article paru sur politis.fr)

Peu de diplomates l’ont remarqué, mais comme la conférence est installée dans un camp militaire, ils longent tous les jours sur des centaines de mètres un « parcours du combattant » particulièrement riche en obstacles difficiles à franchir. Plus qu’un symbole…

Le typhon Hagupit qui menace cette semaine les Philippines comme le typhon Haiyan qui frappa ce pays il y a un an pendant la conférence de Varsovie, le Pérou qui manque d’eau, le bassin amazonien qui se dessèche et perd son couvert forestier, l’année 2014 la plus chaude dans le monde depuis que les relevés météo existent, les glaciers de Andes qui se rétrécissent à vue d’œil chaque année comme vient de le montrer l’ONG CARE, les multinationales de l’agro-alimentaire qui accaparent les meilleurs terres et l’eau pour l’irrigation aux dépends des petits paysans péruviens…Autant de catastrophes ou de dérèglements en cours qui n’émeuvent pas le moins du monde les négociateurs officiels perdus dans leurs textes. Au cours d’une conférence de presse tenus samedi matin à Lima, des ONG comme Attac, le Réseau Climat, les Amis de la terre, Oxfam-France et quelques autres réunis dans la Coalition climat 21, ont expliqué comment et pourquoi les diplomates présents à Lima, leur apparaissent de plus en plus enfermés dans leur « bulle loin des réalités du Monde, du Pérou et de l’Amérique Latine ; il existe des contradictions flagrantes entre ce qui se passe dans le monde et ce qui se passe ou ne se passe pas ici ».

Mais, contre vents et marées et en dépit de fréquentes déceptions, ces ONG estiment que les conférences climatiques ont leur utilité et que la société civile qu’ils représentent joue son rôle dans les négociations et les prises de conscience : « Notre rôle est indispensable, nous servons d’aiguillon. Certes sur une ligne défensive, mais nous ne sommes pas naïfs au point de ne pas nous rendre compte que les bonnes nouvelles, il y en a, sont trop petites pour qu’elles puissent être prises en compte. Pour le reste, il est évident que le niveau des discussions n’est pas à la hauteur des dangers. Comment, par exemple, parler d’énergie en omettant d’évoquer les négociations en cours entre les Etats-Unis et l’Union européenne sur la libéralisation du marché de l’énergie. Laquelle concerne essentiellement les combustibles fossiles et donc le climat de la planète ».

(Suite de l’article à découvrir en cliquant ici)

 

L’avertissement du GIEC sera-t-il entendu ?

Par M’hamed Rebah

Article paru dans Reporters (Algérie) le 4 novembre 2014

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié dimanche, à Copenhague, son rapport de synthèse qui résume, en 40 pages, les résultats des travaux de plus de 800 scientifiques consignés dans trois rapports parus en septembre 2013, sur les preuves du réchauffement, en mars 2014, sur les impacts, et en avril 2014, sur les mesures pour atténuer la hausse des températures. Selon les agences de presse qui en ont rendu compte, le GIEC fait remarquer que « les gouvernements peuvent encore endiguer le changement climatique à un coût gérable mais devront réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre d’ici la fin du siècle pour contenir le réchauffement sous le seuil des 2°C». C’est ce rapport qui servira de base à la conférence sur le climat qui se déroulera fin 2015 à Paris. Mais, avant, la Conférence sur les changements climatiques qui se tiendra du 1er au 12 décembre, à Lima, au Pérou, devra clarifier les éléments pour les négociations en vue d’arriver à l’accord prévu en 2015. Pour l’heure, les choses n’ont pas l’air d’avancer. Le paquet-énergie climat 2030 (PEC 2030) de l’Union européenne validé durant la nuit de jeudi 23 octobre à Bruxelles par les Chefs d’Etat et de gouvernement des 28 Etats-membres a été critiqué par de nombreux écologistes et ONG. D’après leur point de vue, il «institue un revirement majeur de l’UE en matière de lutte contre les dérèglements climatiques ».
En Algérie, le changement climatique n’apparaît pas comme une préoccupation importante, ni dans les médias, ni dans le discours officiel. Son impact sur les ressources en eau ou sur l’agriculture est moins perçu que celui lié au gaspillage de l’eau et aux insuffisances dans sa gestion, et, pour la sécurité alimentaire, le doigt est pointé sur la frénésie de l’urbanisation dévorant les bonnes terres, surtout sur le littoral, qui a provoqué la chute vertigineuse de la superficie agricole utile par habitant. Pourtant, le facteur climatique a été bien ressenti ces derniers mois dans notre pays. L’analyse de l’Office national de la météorologie a fait ressortir que le mois d’août a été caractérisé dans les régions agricoles, comme le mois précédent, par des  situations caniculaires. Les mois de septembre et d’octobre n’ont pas été très différents.
En commentant, en avril dernier, les «conclusions d’un énième rapport alarmant du GIEC», un site algérien d’informations générales avait cru bon recourir à la «pédagogie de la trouille» dans le but de sensibiliser ses lecteurs et certainement aussi les pouvoirs publics. Pour faire peur, il a choisi un titre-choc : « L’Algérie risque de devenir un immense désert » ; puis l’avertissement : «l’Algérie connaîtra une baisse des précipitations, entraînant une désertification de la région Nord et une dégradation des systèmes agricoles, selon les données fournies par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement». Plus récemment, en septembre, le directeur du centre climatologique national, Djamel Boucherf, en spécialiste de la question, renchérissait : «l’Algérie, de par sa situation géographique et ses caractéristiques environnementales, est fortement affectée par les changements et perturbations climatiques, comme la sécheresse, l’augmentation des températures, la désertification et les inondations». Comme preuve, il a cité l’élévation des températures automnales à 33 degrés Celsius, alors que la moyenne est de 26 degrés Celsius en cette saison. Pour le moment, ces alertes sont restées sans écho chez nous. 

 

Autre point de vue sur l’accord européen – PEC 2030 : une victoire européenne

Le 24 octobre 2014

par Valéry Laramée de Tannenberg

(article initialement paru dans le Journal de l’Environnement)

A l’arraché, les 28 ont accouché, aux premières heures de ce vendredi 24 octobre, d’un accord sur le climat. Le paquet Energie Climat 2030 fixe de grands objectifs à la politique communautaire. Et réforme le marché communautaire de quotas d’émission. Reste à savoir si cela sera suffisant.

On se serait cru au bon vieux temps des tractations sur les quotas laitiers. Jeudi 23 octobre, c’est en tout début de soirée que les 28 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union ont débuté le marathon du dernier conseil européen de l’année. En entrée, le paquet Energie Climat 2030 (PEC 2030). élaboré dans la foulée du PEC 2020, ce train de mesures doit encadrer les politiques énergétiques et climatiques des 28 pour les 15 prochaines années. Il constituera aussi la position communautaire, lors des prochains rounds de la négociation climatique.

Finalement, c’est vers 2 heures du matin que la nouvelle est tombée: les 28 s’étaient entendus sur les grands objectifs du PEC 2030. Il aura donc fallu trois conseils européens[1] pour trouver un accord. Et au vu des réticences polonaises à s’engager dans cette voie, l’accord n’était pas gagné.

20, 20, 20

Au final, l’Union européenne s’oblige, et de façon contraignante, à abattre de 40%, «au moins», ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Les optimistes diront qu’elle a déjà quasiment fait la moitié du chemin. Les pessimistes complèteront en disant que l’essentiel de cette performance est à porter au crédit des fermetures de centrales au charbon est-allemandes et britanniques et à la récession économique. Les réalistes souligneront que l’objectif pourrait être révisé pour le cas où un accord global de bonne facture serait conclu lors du sommet climatique de Paris, fin 2015.

40, 27, 27

Pour atteindre cet objectif majeur, l’UE fixe comme autre objectif, collectif et contraignant, l’obligation que 27% de l’énergie consommée «à l’horizon 2030» soit d’origine renouvelable. Toujours à la même échéance incertaine, les 28 devront améliorer de 27% aussi leur efficacité énergétique. Seule différence avec l’objectif précédent: ce dernier n’est pas contraignant. Au fameux 3×20 du PEC 2020 succède le 40, 27, 27.

Faire monter le prix du quota

Comme annoncé, lors de la présentation de sa première mouture, le PEC 2030 prévoit de réformer le système communautaire d’échange de quotas d’émission de GES, le fameux ETS. Le but poursuivi étant de le rendre plus efficace qu’il ne l’est depuis 7 ans. Première mesure actée: la réduction progressive de l’allocation annuelle de quotas. Jusqu’en 2020, on réduira de 1,74% le nombre de permis d’émission distribués ou mis aux enchères d’une année sur l’autre. A partir de 2021, ce «facteur annuel de réduction du plafond d’émission» passera à 2,2%. De quoi faire monter un peu les prix du quota.

Bonne nouvelle pour les industriels, le dispositif NER 300 est non seulement confirmé mais étendu. En clair, une réserve de 400 millions de quotas sera constituée (contre 300 millions actuellement). Le produit de leur mise aux enchères permettra non seulement de cofinancer des projets d’énergies renouvelables ou de captage-stockage géologique de CO2 (CSC), comme actuellement, mais aussi des projets industriels «bas carbone» plus classiques.

Financer les investissements

Parallèlement, une autre réserve comparable, portant sur 2% du volume de quotas, sera constituée. Gérée par la Banque européenne d’investissement, elle permettra de financer la modernisation des systèmes énergétiques des pays dont le PIB par habitant est inférieur à 60% de la moyenne de l’UE. En gros, on accorde un petit bonus aux états qui étaient farouchement opposés au PEC 2030. Et ça n’est pas le seul: 10% des quotas à mettre aux enchères par les 28 seront attribués aux pays dont le PIB par habitant est inférieur à 90% de la moyenne de l’UE. La mesure vise particulièrement la Pologne. Laquelle, comme d’autres pays sinistrés, pourra continuer d’allouer gratuitement des quotas à son secteur électrique jusqu’en 2030, 10 ans de plus que dans le reste de l’UE. «La prise de telles mesures de solidarité n’était pas attendue aussi rapidement», commente Emilie Alberola, spécialiste des marchés du carbone et de l’énergie à CDC Climat. C’est dire si les discussions préalables ont été serrées.

Haro sur les raffineurs

Le PEC 2030 initie d’autres évolutions qui devraient aboutir dans les prochains mois. L’une des plus importantes est la possibilité d’intégrer à l’ETS de nouveaux secteurs, à commencer par celui des transports terrestres. La demande n’est pas nouvelle. Elle a récemment été appuyée par le Danemark. En clair, les producteurs de carburants issus de combustibles fossiles —les raffineurs pour l’essentiel— seront non seulement soumis à des quotas d’émission pour leurs émissions directes (celles imputables à la production) mais aussi pour le contenu carbone des produits raffinés qu’ils mettront sur le marché.

Tout aussi important est la création prévue (mais non annoncée explicitement) d’un mécanisme permettant de réduire, voire de faire disparaître, les surplus de quotas. En raison des sur-allocations passées, de la faiblesse de l’activité économique, il y a beaucoup trop de quotas dans l’ETS. Ce qui explique le faible prix du quota. En 2020, ce surplus pourrait atteindre 2 milliards de quotas. Un chiffre appelé à doubler vers 2030.

Pour redonner de l’efficacité au dispositif, la Commission et le Parlement travaillent à la création d’un mécanisme permettant de mettre automatiquement de côté les quotas en surnombre et, inversement, de les réinjecter dans le marché en cas de disette. De quoi redonner de l’appétence aux traders. «Nos modélisations ont montré qu’avec un seul objectif contraignant de 40% de réduction d’émission, cette réserve de stabilité permettrait de faire monter le prix du quota à 70 euros en 2030», confirme Emilie Alberola. Dix fois plus qu’aujourd’hui!

EDF s’en tire bien

Bruxelles n’a jamais caché toute l’importance qu’elle accorde à l’amélioration du fonctionnement des marchés de l’énergie, notamment électrique. L’un des points noirs est le manque de capacité d’interconnexion, les lignes de transport traversant les frontières. Pour protéger leurs compagnies nationales, certains pays, comme la France, freinent l’ouverture de leur marché interne aux électrons étrangers. Dans le même temps, d’autres pays gros producteurs d’électricité éolienne (Espagne, Portugal, Allemagne) aimeraient vendre leur courant à bas coût les jours de grand vent. Pour réduire ce hiatus, le PEC 2030 oblige les 28 à disposer, en 2020 au plus tard, de capacités d’interconnexion égales à 10% de leurs capacités de production. Paris (ou EDF) s’en tire bien: dans l’Hexagone, l’objectif est déjà atteint.

Quel premier bilan tirer de ce vaste train de mesures? Politiquement, la Commission Barroso transmet à la Commission Juncker un sacré témoin. L’UE est désormais le premier ensemble géopolitique d’importance à prendre un tel engagement de réduction d’émission de GES. Un engagement qui sera la position communautaire lors des prochains rounds de la négociation climatique, à Lima et à Paris. Les diplomates des grands pays émetteurs (USA, Chine, Inde, Russie, Brésil, Indonésie, Mexique) savent désormais où se place le curseur.

Raccrocher la Pologne

Au plan européen, le bilan n’est pas totalement nul non plus. En conjuguant mesures contraignantes, volontaires et petits bonus, l’Europe réussit, en outre, à faire monter les pires pays charbonniers du continent dans le train climatique. «Et cela est d’autant plus méritoire qu’on a vraiment l’impression qu’il n’existe aucune volonté politique, en Pologne, de lutter contre le réchauffement», indique Teresa Ribera, directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Une volonté en tout cas contrariée par le fait que la Première ministre polonaise, Eva Kopacz, doit fermer des mines de charbon, dont la plupart produisent un charbon plus cher que la houille russe. Tout cela à un an d’élections générales. En accélérant le développement de nouveaux gazoducs et de terminaux de gazéification sur le continent, Bruxelles indique aussi à Moscou qu’elle entend réduire sa dépendance au gaz russe.

100.000 gueules noires

Climatiquement, le jugement est plus nuancé. Certes, vouloir abattre de 40% ses émissions est louable et sans équivalent dans le monde. Pour autant, le PEC 2030 paraît insuffisant pour aider la Pologne et les autres pays du triangle de Visegrad à décarboner leur système énergétique. La Pologne produit 80% de son électricité avec du charbon. Le secteur fait vivre encore 100.000 gueules noires qui travaillent dans 240 mines. Le tout à coup de milliards d’euros par an de subventions nationales et communautaires[2].

Aussi louable soit-elle, l’inclusion du transport terrestre dans l’ETS semble peu efficace. Une étude publiée le 14 octobre par Cambridge Econometrics estime qu’il faudrait que le prix du quota devienne prohibitif (217 €) pour qu’il oblige les industriels à livrer véhicules et carburants «bas carbone». Nous n’y sommes pas encore.

Le président français, François Hollande, a promis que «beaucoup» du programme de relance (300 Md€) promis par le nouveau président de la Commission serait consacré au PEC 2030. Or, rappelle Teresa Ribera, bon nombre de ses infrastructures, gazoducs, terminal méthanier, ne sont pas annonciatrices d’une baisse de la consommation d’énergie fossile. «Il ne faudra pas qu’au nom de la solidarité et de l’indépendance énergétique, nous fassions de mauvais choix pour le climat.»
[1] Ceux de mars, de juin et d’octobre.

[2] Selon Greenpeace, les mines polonaises ont reçu 34 Md€ d’aides publiques entre 1990 et 2012.

L’Europe aurait pu faire mieux

Décryptage des nouveaux objectifs européens en matière de lutte contre le changement climatique

le 24/10/14

par Dominique Martin Ferrari

A une heure ce 24 Octobre, les chefs d’Etat européens sont tombés d’accord sur un texte. Aucun Etat-membre de l’UE n’a proposé de revoir à la hausse l’objectif de 20 % de réduction d’émissions d’ici 2020. Il contient trois objectifs , mais beaucoup d’échappatoires et d’objectifs faibles :

– pas de mention de caractère domestique des baisse d’émissions,

– objectifs EE (efficacité énergétique) et ENR (énergies renouvelables) non contraignants,

– possibilité de financer des centrales charbon en Pologne et ailleurs en Europe via des soutiens publics européens,

– reproduction du fonds CCS (300 millions de quotas d’émission issus du plan de  » réserve destinée aux nouveaux entrants » pour financer des projets dans les renouvelables et la CSC (capture et stockage de carbone)

Les trois Objectifs pour 2030

1) une réduction « d’au moins 40% « des gaz à effets de serre par rapport à 1990.

François Hollande y voit un verre à moitié plein et juge l’accord « très ambitieux pour la planète » « Beaucoup pensaient qu’on s’arrêterait à 40% » Cet objectif de 40 % est pourtant largement insuffisant. Avec un tel objectif, l’UE repousse à l’après 2030 l’essentiel des efforts à réaliser d’ici à 2050. En effet, pour obtenir une réduction de 80 % des émissions, objectif minimal que s’est fixé l’Union européenne d’ici à 2050, cela reviendrait à planifier une diminution de 5 % par an de 2030 à 2050, contre à peine 1,3 % par an jusqu’en 2030. L’objectif pourra être révisé après la COP 21. Il s’agit d’une réduction globale. Le niveau d’effort de chacun sera déterminé par le critère du PIB par habitant. La question du partage du fardeau est centrale entre les pays les plus pauvres, principalement de l’est de l’Europe, qui dépendent encore largement des énergies fossiles comme le charbon, et les plus riches qui s’appuient sur le nucléaire ou sont déjà bien engagés dans la transition énergétique.

2) porter la part des énergies renouvelables à 27% de la consommation. Ce maigre objectif de 27 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 ne permettra pas d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables en Europe et ne s’accompagne d’aucune clef de répartition par pays contraignante

et demande de 15% d’interconnexions (Espagne). La France s’est opposée à ce chiffre voulant le bloquer à 10%. Les détails pour y parvenir seront précisés plus tard, mais cette décision est cruciale : l’amélioration des interconnexions fait partie des outils pour accroître l’indépendance énergétique de l’UE, un enjeu rendu encore plus crucial par la crise en Ukraine et les menaces sur l’approvisionnement en gaz russe.

3) Les 30% d’économies d’énergie n’ont pas été retenus (pression du Royaume Uni), elles devront être « d’ au moins 27% »

Modalités retenues

– Le marché du carbone (ETS) a été aménagé pour les pays de l’Est. Des mécanismes de soutien vont être créés à partir du système des quotas européens d’émission de CO2 (mécanisme qui aurait dû expirer en 2020) Les chefs d’État ont décidé d’attribuer 10 % du volume global des certificats d’émission de la période 2020-2030 aux pays dont le PIB est inférieur à 90 % de la moyenne européenne.

Pour les pays dont le PIB est inférieur à 60% de la moyenne européenne , « un fonds de solidarité » sera alimenté par une petite partie (2%) des ventes de ces certificats d’émission gérés par les Etats bénéficiaires et non par la BEI (banque européenne d’investissement) « en toute transparence » pour les aider à moderniser leur production d’électricité.

La proposition de réforme de la Commission européenne pour renforcer le marché du carbone est aussi mentionnée dans les conclusions du Conseil européen, comme l’avait souhaité, entre autres, la France.

– Le fonds européen (New entrant réserve NER 300) est prolongé avec une augmentation des quotas (http://www.developpement-durable.gouv.fr/Presentation-du-fonds-europeen-New.html).

Des mécanismes de soutien vont donc être créés à partir du système des quotas européens d’émission de CO2, notamment par le fonds alimenté par une petite partie (2%) des ventes de ces certificats.

Le Conseil des chefs d’Etat se réserve la suite de l’élaboration de la politique climat /energie ce qui pose question au Parlement dans l’exercice de co-décision.

Climat: comment justifier encore l’inaction ?

Le 22 septembre 2014

par Valéry Laramée de Tannenberg

(article paru dans le Journal de l’Environnement)

A la veille du sommet de l’ONU sur le changement climatique, la situation empire. Bonne nouvelle: bon nombre d’obstacles à la conclusion d’un accord mondial, en 2015, semble désormais évitables.

Au pied du mur. Les 120 chefs d’état et de gouvernement qui assisteront, mardi 23 septembre, au sommet climatique, organisé en marge de l’assemblée générale de l’ONU, n’ont plus aucun argument sérieux pour différer toute action visant à réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Car tout ce qui a été entrepris depuis 20 ans pour réduire notre bilan carbone collectif a échoué. Bien sûr, les pays les plus développés ont atteint, ensemble, l’objectif qui leur avait été assigné par le protocole de Kyoto, en 1997.

Modeste performance

Mais cette modeste performance (-5% de GES entre 1990 et 2012) est plus sûrement à mettre au crédit de la crise économique, de l’effondrement de l’industrie lourde ex-soviétique et du développement des secteurs gaziers britannique, allemand et américain qu’à la bonne volonté des gouvernements et des entreprises.

A coup de conférence des parties (COP), ces gouvernements négocient, depuis deux décennies, un accord international. Loupé de peu à Copenhague en 2009, il pourrait être conclu à Paris l’an prochain. Encore dans les limbes, ce texte engagerait les principaux pays émetteurs à réduire leurs émissions et les pays en développement à les stabiliser. Au mieux, le texte devrait reprendre les engagements volontaires rendus publics par des dizaines de pays: depuis les 80% de réduction d’émission entre 1990 et 2050 pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France, jusqu’à la baisse de l’intensité carbone des économies chinoise ou indienne. Rien à voir, pas comparable, difficile à mesurer? Qu’importe, ce sera ça ou rien.

Emettre sans contrainte

Ce sera peut-être rien, d’ailleurs. Les pays émergents et en développement attendant aussi des pays les plus riches une aide financière au développement propre. Certains exigeant même des pays du Nord un dédommagement pour les premières conséquences des changements climatiques, imputables à deux siècles d’émission sans contrainte.

Sans contrainte, c’est le moins que l’on puisse dire. Le protocole de Kyoto demandait à 36 pays, représentant 62% des émissions mondiales d’alors, de réduire de 5% leurs émissions entre 1990 et 2012. Objectif atteint. Mais dans le même temps, les rejets mondiaux ont fortement progressé. Et ça n’est pas près de s’arrêter. D’autant que ce sont désormais les pays en développement qui sont devenus les principaux contributeurs au réchauffement de la planète. A elle seule, la Chine rejette le quart du carbone mondial: deux fois plus que l’Union européenne!

Le bon cru 2014

Publié le 21 septembre, le bilan annuel des émissions anthropiques de GES, réalisé par les climatologues du Global Carbon Project (GCP), fait froid dans le dos. En 2013, la combustion d’énergies fossiles et la production de ciment ont relâché près de 10 milliards de tonnes de carbone (soit 36 Mdt CO2): 61% de plus qu’en 1990. En une seule année, l’humanité a produit l’équivalent de 3% des émissions carbonées relâchées depuis 1870. Et 2014 s’annonce aussi comme un bon cru carbonique. Les émissions devraient progresser de 2,5% par rapport à 2013, estiment les chercheurs du GTC. A ce rythme, le budget carbone dont nous disposons pour limiter le réchauffement à 2°C sera épuisé en une génération. Dit autrement, le climat est parti pour se réchauffer de plus de 3°C d’ici la fin du siècle.

Réduire nos émissions de gaz carbonique, de méthane, de protoxyde d’azote, et autres gaz fluorés sera le résultat, à long terme, d’un bouleversement de nos habitudes de transport, d’urbanisme, de production, d’alimentation, de chauffage, d’éclairage, de construction, de fiscalité. Ce changement de société ne sera initié qu’en actionnant de puissants leviers, comme la monétarisation du carbone. «On sait qu’il faut que l’émission d’une tonne de CO2 coûte une centaine de dollars pour infléchir les stratégies d’entreprise», indique Chantal Jouanno, ancienne secrétaire d’Etat à l’écologie.

Les entreprises sont prêtes

Les entreprises y sont opposées, martèlent les politiques. A d’autres! En 2009, Rex Tillerson, président d’ExxonMobil, premier pétrogazier mondial, annonçait son ralliement au principe d’une taxe carbone. La semaine passée, le carbon disclosure project rappelait que près de 500 grandes entreprises internationales (dont 96 américaines) participent déjà à des marchés du carbone. Et 150 groupes mondiaux intègrent un prix (interne) du carbone pour définir leurs investissements et leur stratégie de gestion des risques.

Qu’à cela ne tienne, répondent nos politiques, la Chine —premier émetteur mondial— restera hostile à tout effort climatique, au nom de son développement. Est-ce si sûr? Dans un article publié le 21 septembre dans Nature Climate Change, une dizaine de climatologues montrent que l’Empire du milieu n’a pas à redouter le monde de la contrainte carbone. Michael Raupach (université de Canberra -Australie) et ses collègues rappellent que, pour limiter le réchauffement à 2°C, nous pouvons émettre durant le XXIe siècle 1.400 Mdt de gaz carbonique.

Un budget aux deux tiers consommé

Problème, a auparavant souligné Corinne Le Quéré (université d’East Anglia –Grande-Bretagne): en 13 ans, nous avons déjà consommé les deux tiers de ce budget. Pour éviter de nous retrouver à découvert, les scientifiques suggèrent de délivrer des quotas d’émission aux nations. Deux modes d’allocation ont été modélisés: l’un en fonction des émissions historiques, l’autre selon le nombre d’habitants.

Dans le premier cas, les pays riches et la Chine se taillent la part du lion. Ce qui interdit rapidement toute émission de CO2 aux pays en développement. Le système est «injuste et inacceptable», de l’avis de Philippe Ciais (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement -LSCE), interrogé par le JDLE. En distribuant les 1.400 milliards de quotas aux 9 milliards d’individus que comptera la Terre dans quelques années, les pays du Nord sont moins à la fête. «Il leur faudra alors réduire leurs émissions de plus de 10% par an. Ce qui n’est tenable, ni économiquement, ni politiquement», confesse le scientifique français. Et surtout pas pour Pékin, dont les deux tiers de l’énergie sont issus de la combustion du charbon.

Pourquoi ne pas imaginer, alors, une solution hybride? Banco répondent les chercheurs. En ce cas, l’effort de réduction global n’est «plus» que de 5% par an. Ce qui est déjà considérable. Mais ce qui semble acceptable par tous, y compris la Chine.