Par Dominique Martin Ferrari
Le 05/05/25
Nous avons tous entendu parler de la mer des Sargasses et du triangle des Bermudes. Seule mer au monde sans côtes, c’est une sorte de région mythique déjà décrite par Christophe Colomb, que notre imaginaire a transformé en une sorte d’immense bouilloire dans laquelle macéreraient de longues algues gluantes, berçant le mystère de la reproduction des anguilles…
Voilà que pour nombre d’entre nous la mer des Sargasses devient réalité car elle se concrétise et risque d’avoir trouvé ses côtes pour longtemps…
Cela commence par de grandes trainées brunes aperçues depuis nos hublots à l’atterrissage en Guadeloupe ou en Martinique. Qui n’est pas initié, peste alors contre un de ces dégazages sauvages qui vient zébrer le bleu du lagon. Mais c’est de toute autre chose qu’il s’agit.
Les départements d’outremers antillais sont entrain de vivre la galère des côtes bretonnes ; leurs rivages sont envahis par les algues. Les préfets de Martinique et de Guadeloupe s’alarment car les algues, comme les ulves vertes bretonnes, dégagent de dangereux gaz toxiques pour l’homme et leur odeur est désagréable.
Les premières alertes se sont manifestées en 2011, mais en ce printemps 2015 c’est la mobilisation générale.
D’abord la Martinique fut touchée. Il a fallu faire appel à l’armée pour ramasser des tonnes de ces algues brunes. Aujourd’hui, à Sainte Anne, sur le bord de plage, il reste quelques petits tas qui déçoivent le preneur d’images. L’armée a fait son travail.
En Guadeloupe, en ce début Mai, tout le littoral exposé aux courants est désormais submergé, notamment la partie maritime de Pointe-à-Pitre, où le phénomène est particulièrement conséquent. France Antilles révélait le 4 mai, que deux sociétés— ELG d’un côté, TSA Sogetras de l’autre — s’attaquent au problème : « Sur la plage de Saint-Félix, au Gosier, la société ELG, dirigée par Jean-Michel Latchan, a démontré l’efficacité de sa nettoyeuse de plage. Parfaitement conçu à cet effet, l’engin présente l’avantage de ne prélever que les sargasses et de laisser le sable en place. Seul problème : il n’y en a qu’un seul exemplaire en Guadeloupe. À Lauricisque, à Pointe-à-Pitre, en une petite matinée, la société Sogetras, spécialisée, entre autres, dans les travaux sous-marins, a débarrassé le port des algues qui l’encombraient. Un filet de pêche, des scaphandriers et des pêcheurs, c’est tout ce qui a été nécessaire ». Tandis que certains maires réclament le classement en catastrophe naturelle, chacun y va donc de son système D.
On sait désormais qu’il ne s’agit pas d’un événement ponctuel et qu’il va falloir y réfléchir pour longtemps.
Alain PIBOT, responsable au Conservatoire du littoral des Rivages Français des Amériques est formel. « Nous avons d’abord cru à un bloom, mais il est évident que le phénomène s’installe et nous ne savons pas exactement encore pourquoi. Tous les chercheurs sont mobilisés. »
Peut on y voir les premières conséquences du réchauffement climatique ?
Tous les climatologues engagés dans ces recherches nous l’avaient prédit : « quand la fonte des glaciers modifiera le Gulf Stream nous ne serons pas au bout de nos surprises » Or la mer des Sargasses, zone de l’atlantique nord est bordée par le Gulf Stream.
Comment faire pour que le fléau se révèle être un don du ciel ?
Imaginons qu’il soit possible demain d’en faire un carburant. Pouvoir récupérer de la biomasse sans emprunter au détriment de l’alimentaire sur les sols! « la première chose à faire sera déjà de la récupérer sans sable et de savoir la sécher » déclare le directeur de l’ADEME de Martinique qui vient de lancer un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) de collecte et de valorisation en partenariat avec la DAAF, la DEAL, la Région Martinique, le Conseil Général, et la Préfecture de Martinique : http://www.martinique.ademe.fr/actualite/toute-lactu#actu-744