par Dominique Martin Ferrari
Le grand amphi de l’Unesco fait en ce 12 Février 2015, salle pleine. Plus de mille participants, des personnalités internationales du climat, le Premier Ministre, les entreprises des énergies renouvelables , se retrouvent pour les 16° assises du SER, le syndicat des énergies renouvelables.
Ouvertes par un petit film, dont on regrettera qu’il oublie dans la présentation des ENR en France, ses outremers, ces assises présentent un caractère exceptionnel en plein débat parlementaire sur la loi de transition énergétique et de préparation de la conférence de Paris de Décembre prochain.
Le président du SER, Jean Louis Bal se félicite d’abord du chemin parcouru : « nous vivons une véritable révolution énergétique, une révolution qui voit le développement des ENR . Une véritable mutation . Les gisements sont bien repartis . Il n’est pas de zones géographiques dans le monde, vierges de ressources, c’est une garantie d’approvisionnement sans variabilité de prix et aujourd’hui les plus matures sont les plus compétitives des productions décarbonnées (pique à l’encontre du nucléaire ndlr ). Plus de 140 pays se sont déjà fixés des objectifs de développement. Ce n’est plus une lubie de pays riches. »
Des progrès sont à venir et pour grandir sur les marchés internationaux, les ENR ont besoin de disposer d’un marché domestique crédible. Jean Louis Bal, avant de remettre à Manuel Valls le programme de travail commun 2015 entre le SER et l’Etat , accompagné de ses propositions pour un agenda des solutions positives, a rappelé combien d’obstacles avaient dû franchir les industriels des ENR « Nos industriels ont trop longtemps souffert de la tergiversation des politiques d’aide, surtout dans le secteur du solaire. Faisons de la loi de transition énergétique l’expression de la volonté publique et prenons soin d’établir une programmation annuelle ambitieuse. Dans chaque filière nous pouvons porter des champions nationaux. Les investissements d’avenir peuvent jouer un rôle comme le prouve le secteur des énergies marines renouvelables. La compétition est mondiale, les synergies européennes bienvenues »
Ce vœu restera t il sans lendemain ? Manuel Valls préfère parier l’avenir sur l’excellence de nos filières, certes mais aussi sur le consensus : « reconciliation entre écologie et économie, filières ENR et nucléaire, croissance et réduction de l’empreinte écologique. « On lui souhaite bonne chance pour ces paris souvent antinomiques et dignes des travaux d’Hercule! Il a cependant engagé son gouvernement dans un soutien ferme aux filières d’avenir, notamment aux énergies marines.
Une table ronde de « grands », un souffle d’air et d’engagement
Ils sont tous diplomates de la planète de par leur engagement : Rajendra Pachauri, président du GIEC, Jean Jouzel, climatologue, prix Nobel, Monique Barbut secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies pour la désertification, Isabelle Autissier, navigatrice et présidente du WWF, Bertrand Piccard concepteur du Solar Impulse. Ils témoignent sous la férule éclairée d’Eric Orsenna. L’immortel qui connaît la valeur du temps, et de « cette langue française qui a le même mot pour donner le temps de l’horloge et le temps qu’il fait ».
Piccard, « chevalier de la solution » après avoir présenté l’exploit des aventures de son avion solaire, a plaidé pour la force des solutions et l’urgence. Urgence reprise par Isabelle Autissier qui au gré de ses voyages découvre une réalité qui dérange : « on a beau avoir lu les rapports quand on voit ce qui se passe sur le terrain, on a froid dans le dos ». Sous ses yeux , le grand nord se modifie ; le permafrost fond, libérant les milliards de tonnes de méthane emprisonnés par les siècles ; la fin des glaces d’été marque la fin des grandes espèces qui dépendent de la banquise. « Déjà les espèces remontent : le plancton de 470km par décennie, les poissons de 50km. Aujourd’hui, si l’on considère uniquement les pêcheries de morue de l’extrême nord, 2Md d’euros sont en jeu dans les 10/15 prochaines années ! Et en plus, cette fonte permet l’exploitation de nouvelles ressources fossiles ! »
Le ton devient encore plus grave quand Monique Barbut prend la parole : « 167 pays sur les 195 qui seront à Paris , se sont déclarés affectés par la dégradation des terres et par la désertification. Selon les rapports américains, il y a déjà 135M de refugiés climatiques, et 500M de petits paysans qui vivent sur des surfaces d’un ha vont être à la rue, avec les risques d’insécurité et de violence que cela représente. Qu’est ce qui s’est passé en Syrie entre 2004 et 2006, les pires années de sécheresse ? Ils se sont retrouvés à 1M à rejoindre le million de refugiés irakiens . N’est ce pas une explication à la violence dans ce pays ? Ils seront 67 pays à Paris à n’avoir ni énergie, ni forêt à négocier. Ils représentent un potentiel de 500M d’ha de terres dégradées, capables de séquestrer 30% de CO2 si nous les aidons à les remettre en état, au lieu de prendre des terres sur les forêts et les marais.
On peut donc intervenir dans l’achat de ce temps de la séquestration immédiate, quand il faudra trente ans pour que les effets des négociations se fassent sentir». Une solution rarement entendue dans les grandes enceintes internationales , et qui a l’avantage de concilier la séquestration carbone, la fixation des populations, et représente une réponse à comment nourrir demain le monde.
Le manque de temps , l’accélération du phénomène
Dans la foulée , Christian De Perthuis a défendu fermement une autre solution immédiate : donner un prix au carbone. « Depuis 2000, notre économie fait des arbitrages en fonction des prix, et ces prix augmentent dramatiquement par les choix qui sont faits, les émissions de CO2. Ces prix sont ceux du carbone sous nos pieds. La valeur que nous accordons collectivement au climat vaut zéro. Notre économie fonctionne avec des règles dans lesquelles nous n’avons pas intégré la valeur du climat.(…) Le basculement ne sera pas assez rapide, vous mettrez 20 à 50 ans pour sortir des fossiles.(…) Si vous mettez un prix au carbone à 20 dollars , vous créez une richesse de mille milliards dans l’économie mondiale, vous financez la pomme de discorde du fonds de 100 milliards de dollars. Il n’y a plus qu’à négocier la répartition de la taxe. La vraie question politique, c’est en France, à qui vont les 4mds de la taxe ? »
Propos recueillis par Dominique Martin Ferrari (à suivre le plan de Ségolène Royal pour les ENR)
– See more at: http://www.mediapeps.org/option-future/16-assises-du-ser-les-enr-le-choix-pour-notre-siecle/#sthash.inyx1z24.dpuf